Lettre ouverte à Monsieur François Hollande ,président de la république de France.

Published on July 21 2015

Lettre ouverte à Monsieur François Hollande ,président de la république de France.

Monsieur le Président de la République, Nous avons l'honneur de vous adresser cette lettre, souhaitant vous entretenir de la repentance de la France pour les crimes de son armée dans ses ex colonies. Vous venez d’effectuer une visite de 48h, du 1er au 3 Juillet 2015, en Afrique qui vous a conduit successivement au Benin, en Angola et au Cameroun. A l’étape du Cameroun, vous avez déclaré : « La France regarde toujours avec lucidité son passé pour mieux préparer son avenir et c’est ce que nous avons fait. C’est vrai qu’il y a eu des épisodes tragiques dans l’histoire. Il ya eu une répression dans la Sanaga-Maritime en pays bamiléké et je veux que les archives soient ouvertes pour les historiens ». Il s’agit d’une repentance que tous les démocrates africains saluent, car, pour le chef d’un État colonisateur, vous faites preuve d’un courage politique inattendu. Pour rappel, cette répression concernait des combattants de l’Union des populations du Cameroun (UPC) qui luttaient pour l’indépendance de leur pays et sa libération de l’emprise coloniale française. Pour toute réponse, directement ou aux côtés des troupes du gouvernement de M. Ahmadou Ahidjo qui représentait les intérêts de la France, l’armée française les ont massacrés par dizaines de milliers, dont leurs leaders Um Nyobé, Félix Moumié, Ossendé Afana et Ernest Ouandié. A y voir de près, nous sommes obligés d'admettre qu'il est constant, depuis la Conférence de Brazzaville en 1944, que la France réalise, à chaque moment crucial de ses rapports avec ses colonies et ex colonies, un réajustement de politique coloniale. Il en a été ainsi de la Conférence de Brazzaville (1944), de la loi-cadre (1956), de la Communauté franco-africaine (1958), des transferts de compétences sans indépendance réelle (1960), des coups d’État foccardiens (1960-1981), du discours de la Baule (1990) et aujourd'hui des rébellions. En dépit de votre leçon de courage au Cameroun, nous vous invitons à ne pas avoir une mémoire sélective des crimes commis par la France à travers l’histoire, tout au long de son entreprise impérialiste. Les massacres perpétrés ailleurs en Haïti, en Nouvelle Calédonie, en Indochine, à Madagascar, en Algérie, en Lybie, en Côte d’Ivoire, etc, sont encore présents dans nos souvenirs. Actuellement, ces crimes continuent. En 2011, la France n’a pas hésité à massacrer plusieurs Libyens et leur guide Kadhafi en armant des terroristes qui continuent de décimer des Africains au Nigéria, au Tchad, au Cameroun, au Mali, etc. De 2002 à 2011, l’engagement militaire de la France en Côte d’Ivoire, a fécondé une rébellion qui a conduit au massacre de milliers d’Ivoiriens dont on ne connaîtra le nombre exact que lorsque la France décidera d’ouvrir les archives d’ici 60 ans, comme elle compte le faire maintenant pour le massacre des Camerounais. Cet engagement français a conduit à la destitution du Président légal et légitime Laurent GBAGBO, puis à sa déportation à la Cour pénale internationale (Cpi) et le retour en force de l’assistance technique française qui avait fait place à l'expertise nationale il y a une vingtaine d'années. Ces deux derniers crimes constituent la preuve manifeste qu’il est difficile à la France « de changer sa manière de s’asseoir » comme l’exprime si bien un proverbe africain. Le massacre du peuple Camerounais par l’armée française, comme les nombreux massacres de la France en Afrique pendant la lutte pour la décolonisation du continent, n’ont point servi de télescope à la France pour «regarder avec lucidité son passé pour mieux préparer son avenir ». Alors, que vaudra votre repentance si votre pays, la France, devrait être un récidiviste notoire ? Monsieur le Président de la République, il est trop facile d'ouvrir les archives lorsque le rétablissement des faits est désormais sans conséquence réelle. Il vaut mieux le faire pendant que les faits ou leurs conséquences se poursuivent comme dans le cas de la Libye et de la Côte d'Ivoire. C’est pourquoi votre discours doit se traduire par des actes forts visant à ne pas répéter les crimes du passé et à arrêter les conséquences des crimes les plus récents de l’armée française en Afrique. En Côte d’Ivoire, la repentance des crimes de l’armée française doit commencer maintenant par la libération de Laurent Gbagbo, de Blé Goudé et des milliers d’Ivoiriens qui croupissent illégalement en prison ou en exil. Si vous avez eu le courage de demander au président camerounais la libération de Lydienne Eyoum, une Franco-Camerounaise coupable de malversation financière, ce même courage peut bien vous animer, en demandant au Conseil de sécurité de l’ONU et à M. Ouattara de libérer Laurent Gbagbo, Blé Goudé, Simone Gbagbo et tous les prisonniers politiques qui croupissent dans l’abîme des prisons et de cesser les détentions abusives, les traitements humiliants et dégradants inutilement infligés à des hommes politiques ayant dirigé la Côte d’Ivoire. La lutte contre l’impunité ne signifiant pas la lutte contre la présomption d’innocence, les nombreux prisonniers politiques qui offrent toutes les garanties de domicile et d’accessibilité peuvent bien mériter une liberté et faire face à leurs obligations judiciaires en vertu de la présomption d’innocence. La repentance camerounaise est bien la preuve que les accusés de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) n’étaient que des innocents. Leur massacre et leur condamnation n’ont fait que nourrir le rejet de la France par le peuple camerounais. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, le massacre et l’emprisonnement de milliers d’Ivoiriens, avec la complicité de l’armée française, ne peuvent qu’avoir la même conséquence. L’entêtement Portugais en Angola, suivi du massacre de milliers d’Angolais, a eu pour conséquence le rejet du Portugal par l’Angola et l’extraordinaire développement de l’Angola avec de nouveaux partenaires dont la Chine, la Russie, l’Afrique du Sud et le Brésil. Si nous voulons ensemble un avenir commun mutuellement bénéfique, les déclarations de bonnes intentions ne suffisent plus. Avant vos fortes paroles de Yaoundé le 3 juillet 2015, d’autres présidents français vous ont précédé sur le chemin des bonnes intentions. Ainsi, le 28 février 2008, dans son discours du Cap en Afrique du sud, le président Nicolas Sarkozy, qui avait promis une "rupture" avec la "Françafrique" pendant la campagne présidentielle a estimé que les rapports franco-sud-africains, "équilibrés, transparents et décomplexés", devaient "inspirer une relation nouvelle entre la France et l'Afrique". Cette bonne intention cachait le visage le plus détestable de la françafrique avec l’illustration de l’armée française en Côte d’Ivoire et en Libye. Nous nous souvenons que votre prédécesseur socialiste au pouvoir, François Mitterrand a déclaré le 20 juin 1990 à la Baule : «Le vent de liberté qui a soufflé à l’Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud … il n’y a pas de développement sans démocratie et il n’y a pas de démocratie sans développement ». Ces paroles fortes ont été suivies d’effet et le processus de démocratisation en Afrique francophone doit, en partie, à votre prédécesseur, d’avoir réalisé des progrès notables. Monsieur le Président de la République, au moment où la Côte d’Ivoire s’apprête à aller à une nouvelle élection présidentielle en octobre 2015 avec, cependant, un lourd contentieux non vidé sur celle de 2010, vous venez de déclarer à Cotonou, le 2 juillet 2015 : "La stabilité des institutions, c'est la stabilité du pays. Le respect de la Constitution, c'est le respect des citoyens et l'acceptation du verdict des urnes, c'est la preuve de la maturité. Nous l’avons constaté au Burkina Faso. Nous en mesurons encore les conséquences au Burundi aujourd’hui même. Quand ces règles ne sont pas respectées, alors il ya des risques, il y a des conséquences, et elles peuvent atteindre à la paix civile…" C’est pourquoi nous espérons que vous vous inscrirez dans le sillage de votre prédécesseur socialiste pour que votre déclaration de Yaoundé, ainsi que celle de Cotonou, ne restent pas lettre morte et accompagnent le processus de démocratisation et le respect de la souveraineté des États Africains. Car, si les dirigeants français souhaitent véritablement un avenir partagé avec l’Afrique francophone, la lucidité doit les visiter dans la gestion du dossier ivoirien et du traitement réservé aux hommes politiques africains qui ne partagent pas leur point de vue actuel. N’avez-vous pas déclaré le 12 octobre 2012 à Dakar que "le temps de la Françafrique est révolu » ? Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de toute notre gratitude et de notre très haute considération

Signé :

Pour un collectif d'intellectuels ivoiriens réfugiés

Monsieur Kouassi Germain

Expert consultant

New York

Written by Kouassi Germain

Published on #politique nationale

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